Les grandes expositions temporaires
12.02.08 > 08.06.08
Le journal de Spirou, les aventures d'une rédaction
Pionnier du développement de la bande dessinée en Europe, le Journal de Spirou est sorti pour la première fois des rotatives des éditions Dupuis, à Marcinelle, le 21 avril 1938. Il y a 70 ans. C’est une aventure éditoriale unique en Europe. A partir de documents exceptionnels – planches originales, photos, vidéos, objets, etc. – le Centre Belge dela Bande Dessinéea cherché à découvrir la recette de cette réussite. Ainsi, depuis la première page de son premier numéro, la vie du journal a toujours été transparente pour ses lecteurs... à mi-chemin entre réalité et fiction. L’exposition du CBBD propose de parcourir l’histoire de l’hebdomadaire à travers le temps et les œuvres suscitées mais plus encore dans ses rapports avec ses lecteurs, des Amis de Spirou et des mini-récits à Spirou.com.
Avec le soutien des éditions Dupuis.
Le Journal de Spirou est sorti pour la première fois des rotatives des éditions Dupuis, à Marcinelle, le 21 avril 1938. Il y a 70 ans. Son éditeur n’imaginait pas à quel point son nouvel hebdomadaire allait contribuer au développement et à la popularité de la bande dessinée en Europe. Plus de cinq cents héros y ont vu le jour, imaginés par autant de dessinateurs et scénaristes.
Imprimeur depuis 1898, Jean Dupuis avait créé un premier magazine à succès en 1922, Les Bonnes Soirées, basé sur la publication de romans. Deux ans plus tard, il avait récidivé avec Le Moustique, basé bientôt sur les programmes dela TSF. Accompagnantle succès grandissant de la bande dessinée, il lança donc un hebdomadaire destiné au jeune public, Spirou, en 1938. Il devait notamment lui permettre d’attirer un nouveau public vers ses productions. En Wallonie, Spirou désigne un garçon espiègle et frondeur. Pour donner vie à ce petit personnage, on choisit un dessinateur français, Robert Velter (1909-1991), dessinateur de Toto dans le journal du même nom. Dans une première vie, Rob-Vel avait été chef de rang sur un paquebot. C’est donc très naturellement que Spirou devint groom dans l’hôtellerie… au Moustic Hôtel, faisant référence à l’hebdomadaire Le Moustique.
Spirou est le plus ancien hebdomadaire européen consacré à la bande dessinée. Il a vu naître et mourir de nombreux concurrents happés par les transformations de la société, la diversification de l’offre culturelle, le développement du secteur albums et parfois, un souffle interne qui venait à manquer. Seul Le Journal de Mickey est plus ancien – de quatre ans – que Spirou mais, à la différence de celui-ci, il ne comprend qu’une part minoritaire de bande dessinée par numéro, en moyenne. Son personnage-titre n’est évidemment pas né en Europe.
Comment Spirou a-t-il réussi là où tant d’autres se sont perdus ? Par quelle alchimie a-t-il survécu aux mutations du siècle et de sa propre histoire ? Pour répondre à ces questions, le Centre Belge dela Bande Dessinéea choisi de présenter l’aventure éditoriale du magazine Spirou sous un angle original : plutôt que de passer en revue tous les héros nés dans les pages de Spirou, elle met en avant la connivence entretenue par le journal et ses lecteurs depuis sa naissance. Phénomène unique dans l’histoire de la presse contemporaine : d’un côté, les lecteurs voient vivre la rédaction comme s’ils en faisaient partie ; de l’autre, le journal prend une place importante dans leur vie quotidienne.
A l’instar de l’architecture du siège actuel des éditions Dupuis, la vie du journal a toujours été transparente pour ses lecteurs. Déjà, dans la première case de la première page du premier numéro, un homme d’affaire qui ressemble à Jean Dupuis recherche un candidat pour le Moustic-Hotel. Cette vision que les lecteurs ont de l’intérieur de leur magazine préféré va prendre toute sa mesure avec la création, par Franquin, des gags de Gaston Lagaffe, devenu rapidement garçon de bureau chez Spirou. Alimentée parYvan Delporte, rédacteur en chef mythique du journal (1955-1968) qui n’hésite pas à prendre les lecteurs à témoin des frasques d’une rédaction presque égarée entre réalité et imaginaire, cette perspective sur la rédaction va se prolonger jusqu’à carrément mettre en scène les aventures de son rédacteur en chef (Le Boss).
L’interactivité entre l’hebdomadaire Spirou et ses lecteurs va aussi dans l’autre sens. Dès la première année, le journal est présent dans la vie de ses lecteurs et contribue même à la transformer. Ainsi, on l’ignore souvent, de nombreux membres des Amis De Spirou et du Club Spirou Aviation, appliquant le Code d’Honneur des ADS, devinrent des résistants pendant la 2e guerre mondiale… Plus généralement, des jeux de plage et du Cirque Spirou aux mini-récits aisés à cacher dans un livre scolaire, Spirou a véritablement accompagné la vie de ses lecteurs. Sa fantaisie, son humour et son impertinence devinrent sa marque de fabrique et un signe de reconnaissance pour ses lecteurs.
En relation directe avec son époque – l’exposition du Centre Belge dela Bande Dessinéepropose une photographie de l’état du monde toutes les décennies – les 70 ans du Journal de Spirou sont également racontés à travers un choix de 500 couvertures de l’hebdomadaire. Elles permettent de découvrir la richesse dela création BDqui y a éclos au cours de ces 70 années. Outre des documents rares, photos, objets, images vidéo, l’exposition propose une sélection exceptionnelle de planches originales dont la particularité est, pour chacune d’elles, de permettre de découvrir le journal de l’intérieur. Elles émaillent toutes les époques de l’histoire du journal, du portrait de Spirou par Jijé aux élucubrations de Bercovici et Zidrou en passant par Walthéry, Lambil, Geerts, Darasse, Yann et Conrad… Mais chacun aura sans doute une émotion particulière en découvrant l’original des trois premières vignettes où apparaît le personnage de Gaston ou encore la première apparition de M’oiselle Jeanne, sa plus fidèle admiratrice. Gloire à Franquin ! Bon Anniversaire Spirou !
Jean Auquier